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21 février 2020

La démocratie, plus belle ou pire des choses?

Quand les règles de la démocratie sont utilisées à bons escient pour assurer la liberté dans l’égalité, pour progresser dans l’émancipation de chacun dans le cadre d’une communauté solidaire et respectueuse qui en bénéficie tout autant que l’individu, c’est certainement le plus beau système politique qui puisse exister.
Mais quand ces mêmes règles sont utilisées pour des buts essentiellement égoïste et clientéliste, d’opposition des uns contre les autres, quand la liberté d’expression est instrumentalisée et devient une arme pour menacer l’autre et lui dénier sa propre liberté de parole, quand on justifie l’insulte et la violence comme modes d’expression légitimes alors qu’elles nient l’existence même des valeurs démocratiques que l’on prétend défendre par leur utilisation, alors elle devient un des pires systèmes de gouvernement parce qu’elle dévoile les travers les plus exécrables et les plus hideux des individus avec cet effet boule e neige qui peut devenir terrifiant.
Si l’on ne doit pas passer sous silence les succès évidents de la démocratie, il convient, tout autant de ne pas se taire sur ses dérives.
Et ici, je ne parle même pas de la plus extrême, celle qui a permis, en toute légalité «démocratique» de permettre à des dictateurs de prendre le pouvoir par les urnes…
La démocratie est un système de gouvernement qui a des objectifs bien précis: la liberté, l’égalité, la solidarité (fraternité), la tolérance, le respect de la dignité de chacun par un gouvernement élu par la majorité des citoyens et dont un des devoirs est de protéger les droits de la minorité, le tout dans la sécurité et la paix civile.
Cette mission ne peut être réalisée qu’avec la participation et l’adhésion des citoyens.
Or ce qui fait la beauté de ce système est ce qui en fait aussi sa faiblesse parce que les citoyens, s’ils sont garants de ses bienfaits, sont également les complices de ses éventuelles dérives et perversion, soit directement par un activisme et des comportements qui instrumentalisent les bienfaits pour en faire des outils contre les valeurs mêmes de la démocratie, soit de manière indirecte en laissant faire (et parfois en les soutenant) des groupes subversifs qui s’attaquent frontalement ou dans l’ombre à ces mêmes valeurs.
Parce que si la démocratie est légitime à revendiquer d’être le régime «naturel», c'est-à-dire celui qui possède la légitimité ultime d’être le modèle de gouvernement des humains, sa construction culturelle est une lutte contre ce qui est le plus négatif de la nature humaine.
Ici, j’utilise l’adjectif «naturel» à la manière de Locke et des libéraux: la démocratie est «naturelle» parce que c’est elle qui est le mieux à même de réaliser les projets de vie des individus dans le cadre du meilleur projet de vie collectif.
Mais l’on comprend bien qu’elle est, dans les faits, totalement et complètement à la merci des «humeurs» de ses garants, c'est-à-dire les citoyens.
Ceux-ci, en tant qu’entités créatrices légitimes de la démocratie sont à même de l’appliquer correctement ou de la dénaturer, voire de la supprimer.
Or, la dénaturation et la suppression ne devraient pas être possibles si la démocratie est le régime naturel par excellence, parce qu’il doit s’appliquer quel que soit l’envie ou la volonté des citoyens.
On touche là à une des fragilités constitutives de la démocratie, sa dépendance au bon vouloir de ses garants alors même qu’elle doit pouvoir garantir à chacun de ses membres le respect de ses valeurs quel que soit la volonté d’une majorité, fut-elle de tous moins un, voire même de tous au regard des générations futures.
Mais comment faire autrement que de donner le pouvoir aux garants qui sont en même temps les bénéficiaires du système démocratique?
Si ces garants-bénéficiaires ne la soutiennent plus, aucune loi, aucune action, aucune résistance n’est réellement possible devant l’intention majoritaire ou unanime de l’abattre, que ce soit dans les urnes ou par la violence.
De même, de la laisser en vie et de s’en servir contre les valeurs mêmes qu’elle défend comme cela s’est déjà produit dans l’Histoire.
Que faire alors afin de permettre que le meilleur système n’accouche pas d’un monstre comme ce fut le cas en Allemagne en 1933 ou qu’il devienne une «dictacratie», ce mélange de régime autoritaire, de pratiques populistes et de résidus de mécanismes démocratiques (que d’autres appellent, improprement selon moi, «démocrature»)?
Retirer le pouvoir au «peuple», en tant qu’entité qui incarne ceux qui bénéficient de la démocratie et qui en sont les garants n’est évidemment pas possible même si cela serait souhaitable lors d’épisodes critiques comme celui que je viens de citer.
Nous devons donc accepter la fragilité et la faiblesse inhérente à la démocratie, savoir qu’elle est le meilleur régime et que son dévoiement tourne rapidement au cauchemar.
Mais cette acceptation n’est pas et ne doit pas être renoncement.
Ainsi, la démocratie nécessite et nécessitera toujours un activisme constant pour la défendre.
Une des grandes erreurs de beaucoup de ses défenseurs et de ses prosélytes a été de croire que les bienfaits de la démocratie en feraient un système indestructible «par nature».
Rien n’est plus faux
Dans leur analyse, ils avaient plus ou moins complètement oublié que la liberté est un état qui nécessite la prise en charge par chaque individu de la responsabilité de sa vie (en prenant les décisions qui vont, en partie, en faire ce qu’elle va devenir) et celle de ses actes vis-à-vis d’autrui.
Or, nombre de gens ne veulent pas de cette double responsabilité qui les oblige et préfère le «cocon» de l’incapacité et de la débilité tout en revendiquant malgré tout d’être le centre du monde et de bénéficier entièrement des bienfaits sans en accepter les obligations inhérentes qui y sont attachées.
Dès lors, tout en sachant que le pire est toujours possible mais pas forcément inévitable, tous ceux qui défendent la démocratie doivent faire en sorte de la promouvoir constamment, de la solidifier par la loi et par des mesures concrètes comme la constante élévation du niveau culturel des populations et, surtout, dans la réalisation effective des promesses contenues dans ses valeurs tout en étant conscients que tout interférence inhérente à la vie sur Terre sera généralement portée au passif de cette démocratie par ses garants, le peuple.
Si la démocratie est ce gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, elle ne doit jamais être laissée au bon vouloir du peuple et à ses humeurs.
Plus facile à dire qu’à faire mais si l’on y parvient et pour répondre à notre question, alors la démocratie est la plus belle chose.
Mais que la route semble encore longue.

Alexandre Vatimbella


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