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30 octobre 2018

On ne joue pas avec la fragilité de la démocratie

On entend souvent cette idée reçue selon laquelle la démocratie serait assez forte pour se confronter à tous les dangers qui la menacent qu’ils soient internes ou externes.
Et ceux qui la propagent, ajoutent que si tel n’est pas le cas, elle n’est donc pas légitime puisque ne recueillant pas le consensus du plus grand nombre qui lui permettrait de résister à toutes les agressions à son encontre.
Leurs affirmations sont mensongères ou, plus généralement, des erreurs monumentales qui sont en train de menacer de destruction les démocraties républicaines à travers le monde.
Car, non seulement la démocratie est fragile par essence, tout comme l’est la liberté, mais elle est, comme la liberté, facilement attaquable par ses ennemis parce que reposant sur une société ouverte qui fait appel essentiellement à la responsabilité et au respect mais aussi à la bienveillance et à l’adhésion volontaire à ses valeurs.
A l’inverse des régimes autoritaires et totalitaires qui se maintiennent par la force, la démocratie, elle, a besoin d’un consensus librement exprimé pour exister.
Dès lors, c’est dans les moments démocratiques de son existence comme les élections que celui-ci se manifeste.
Et, dans ces occasions, le peuple peut choisir majoritairement de tourner le dos à la démocratie.
Un simple vote, comme l’a montré l’Histoire, peut la détruire et ouvrir la voie  à l’ignominie et au cauchemar.
Or, nous savons bien que de multiples éléments dont certains irrationnels peuvent entre en ligne de compte lors des rendez-vous électoraux.
Pour autant, il ne faut pas se méprendre, cette fragilité fait la grandeur de la démocratie ainsi que celle de la liberté.
Mais c’est la raison pour laquelle il faut la protéger car la démocratie républicaine, toute fragile qu’elle est, est le seul régime légitime pour gouverner les êtres humains et donc ne peut et ne doit pas être remise en cause par une décision même si celle-ci est populaire.
C’est pourquoi, une autre erreur tout aussi fondamentale qui est faite à propos de la démocratie, est de prétendre qu’elle est le régime de la majorité, c’est-à-dire qu’elle repose uniquement sur le bon vouloir de celle-ci ce qui lui permet d’imposer ses vues et son ordre puisque, selon l’adage, la majorité a toujours raison.
Mais c’est exactement le contraire!
La démocratie est avant tout un régime de la minorité en ce qu’elle est la seule qui puisse défendre et protéger les droits et la liberté de la minorité (ou des minorités) contre une possible dictature de la majorité.
Car ce qui caractérise la démocratie, c’est la promesse faite à chacun que l’elle protègera et défendra sa liberté.
Si la majorité avait en effet tous les pouvoirs et tous les droits, alors elle attenterait aux droits de la minorité, donc à ses libertés.
Ce n’est qu’en empêchant d’abord la majorité de détruire même grâce à la loi les droits de la minorité qu’un régime est réellement démocratique.
C’est ensuite, et seulement ensuite, qu’elle permet, dans ce cadre, à la majorité de gouverner.
Un seul individu qui ne serait pas libre signifierait que nous ne sommes pas dans un régime démocratique.
Depuis quelques années, on voit beaucoup trop de gens jouer dangereusement et sans en mesurer malheureusement les conséquences avec la fragilité de la démocratie de manière irresponsable, inexcusable et injustifiable.
Par exemple, dans une élection, il y a d’abord ceux qui votent pour des candidats des extrêmes.
Il y a ensuite ceux qui se s'abstiennent ou votent blanc face à la menace et aux dangers que représentaient ces candidats extrémistes.
Et puis, il y a tous ceux qui refusent d’appeler à voter contre ces candidats et qui se permettent souvent de manière éhontée de faire un parallèle entre ceux-ci et les candidats démocrates et républicains.
Dans tous ceux que l’on vient de citer, en font partie, évidemment, les ennemis de la démocratie républicaine, ceux qui veulent instaurer un régime autocratique, voire une dictature.
A ceux-la, il n’y a rien à dire, juste à les combattre.
Mais il y a également beaucoup de gens qui jouent avec le feu sans se rendre compte que leur attitude et leur action mettent gravement en péril la démocratie que pourtant, ils affirment, dans un paradoxe difficilement compréhensible et justifiable, défendre.
Ainsi, ils confondent deux comportements qui n’ont rien à voir.
Le premier est de confronter – dans la reconnaissance du régime démocratique et dans le cadre de ses règles – ses idées, son projet et son programme politiques à ceux des autres afin de convaincre les citoyens qu’ils sont les meilleurs pour le pays et de recevoir leur approbation.
Le deuxième est de se lever pour empêcher qu’une menace réelle et sérieuse contre la démocratie et ses valeurs qui permettent à cette confrontation pacifique d’exister, puissent accéder au pouvoir ou, tout au moins, être puissante en acquérant une légitimité de façade grâce à une élection et plonge le pays dans l’abîme et l’abomination.
Or c’est bien dans ce deuxième cas de figure que nous nous trouvons aujourd’hui dans les sociétés démocratiques lors des élections avec la montée des extrémismes et des populismes.
Il n’y a pas de discussion possible sur ce fait.
Faire barrage à des candidats antidémocratiques et préserver ainsi la démocratie républicaine est donc bien l’enjeu essentiel des élections actuelles dans la plupart des pays où est implantée celle-ci.
Enfin, à ceux qui prétendent que le front républicain lors d'élections est un concept mort et éculé qui a servi trop de fois pour être encore crédible, je répondrai que, quel que soit son nom, le réflexe de tout démocrate et de tout républicain est de se lever, toujours et toujours, encore et encore, à chaque fois qu’il le faut pour barrer la route à l’infamie qui veut abattre la démocratie républicaine.
Il n’y aura jamais aucun répit, aucune faiblesse, aucune compromission, aucune excuse, pour ne pas remplir son devoir de citoyen.
Et ce que l’on soit de droite, de gauche, du Centre ou d’ailleurs.
Alexandre Vatimbella

29 octobre 2018

Arrêtons de fustiger les valeurs humanistes, combattons leurs déviances

Il est bon ton d’attaquer la liberté, l’égalité et l’individualisme en tant qu’ils produiraient des dérèglements grave qui menaceraient le vivre ensemble.
De son côté, la solidarité ne serait qu’un moyen pour tous les ratés de la société de vivre à ses crochets.
Quant à la tolérance, elle ne serait qu’une notion permettant à toutes les minorités de phagocyter la démocratie à leurs désidératas.
Le consensus, lui, serait ce qui permet à une classe politique de faire des accords politiciens sur le dos des électeurs.
Même le respect est paré d’une volonté de contrôle social (et l’on voit nombre de populistes affirmer que l’insulte et les attaques personnelles sont justifiées dans le débat politique).
Et ce ne sont pas seulement les populistes et les extrémistes qui s’en donnent à cœur joie en la matière.
Beaucoup de gens de droite, de gauche et du centre font de même.
Mais tous se trompent – ou font semblant de le faire – en montrant du doigt des valeurs alors que ce sont leurs déviances qui causent les maux.
Ce n’est pas la liberté qui est rapace mais la licence que réclame de plus en plus un moi surdimensionné qui n’a plus de repères et de limites.
Ce n’est pas l’égalité qui est totalitaire mais l’égalitarisme qui empêche l’individualité de chacun, les différences ontologiques et les capacités de s’exprimer pleinement.
Ce n’est pas l’individualisme qui est mortifère mais l’autonomie atomiste qui permet à un individu de demander toujours plus pour lui, de ne pas respecter les autres et de nier le vivre ensemble à son unique profit.
Ce n’est pas la solidarité qui crée des comportements d’assistés mais bien un assistanat de voie de garage qui, au lieu, de sortir les gens de leur condition précaire, ne leur offre aucune autre alternative que de demeurer dans les difficultés.
Ce n’est pas la tolérance qui est destructrice du lien social mais la légitimation de revendications outrancières de la part de groupes sociaux, ethniques et autres.
Ce n’est pas le consensus qui aboutit au compromis éminemment démocratique mais la compromission issue d’un renoncement à ses idées et ses valeurs qui dévoient la démocratie républicaine.
Ce n’est pas le respect qui borne l’individu mais bien le rapport de force que certains tentent d’instituer à leur profit pour être plus respectés que les autres en exigeant, parfois par la force, la déférence et la révérence par la crainte.
Je ne le redirai jamais assez, les mots ont une signification et on se doit de les utiliser correctement comme le rappelait sans cesse Confucius.
Dévoyer le sens des mots permet de leur faire dire ce que l’on veut, de pouvoir les critiquer de manière mensongère et de tromper les individus et d’abuser les peuples.
A côté des fausses informations, des faits alternatifs, de la propagande et autres technique, l’imposture mystificatrice du triturage des définitions de concepts aussi importants que ceux de liberté, d’égalité, de solidarité, de tolérance ou de respect est au moins aussi condamnable si ce n’est plus.
Une société de la responsabilité (qui serait en réalité pour ses détracteurs un moyen de contrôle social sur le peuple et une manière de lui dénier son pouvoir!) doit constamment se confronter à cet exercice de vérité.
Car n’est pas la responsabilité qui est l’ennemi du peuple mais bien le confinement dans une sorte de minorité démocratique d’une partie de la population, minorité que d’ailleurs une partie d’entre elle revendique pour s’auto-absoudre de toute obligation et devoir envers l’autre et la communauté.
Dans ce combat, les démocrates doivent toujours être à sa pointe parce qu’il est profondément humaniste et que l’objectif est bien l’avènement d’une personne libre et responsable, respectueuse et respectée, capable de vivre son projet de vie tout en étant, comme toutes les autres personnes, le fondement d’une communauté équilibrée où la dignité humaine est le socle du bien vivre ensemble.
Alexandre Vatimbella

28 octobre 2018

Comment ont été inventés et construits les «peuples en colère»

La victoire de Donald Trump en 2016 aurait donc été celle du peuple américain en colère, tout comme celle de Syriza le fut en Grèce et peut-être demain celle de Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon en France, voire de Laurent Wauquiez.
Ce dernier ne reprend que la logorrhée populiste d'un Nicolas Sarkozy qui a atteint son apogée lors de la campagne des primaires de LR pour la présidentielle de 2017 où ce dernier affirmait qu’il convenait d’«écouter la colère du peuple».
Il fallait en effet se pincer en entendant le discours que Nicolas Sarkozy avait alors donné à Nice.

En fermant les yeux, on pouvait se croire lors d’un meeting de Marine Le Pen, certainement lors d’un de ceux de Donald Trump.

Tout y était: attaque des minorités dont les musulmans, peur sur la ville en prétendant que les femmes sont effrayées par sortir seules dans les rues et que les commerçants se font attaquer sans que personne ne les aide, que les délinquants ont gagné et vivent grâce aux allocations, que les médias sont contre lui et n’ont rien compris à l’exaspération du peuple, qu’il faut se battre contre la fameuse bien-pensance, qu’il faut défendre l’identité française, qu’il faut lutter contre le soi-disant pouvoir excessif des minorités, etc.

Si l’on ne doit pas sous-estimer, surtout les démocrates républicains qui cherchent à bâtir une société du juste équilibre et consensuelle, les sentiments d’abandon et de marginalisation d’une partie de la population, ces «peuples en colère» contre le «système» comme nous les désignent complaisamment une partie de la presse et des «experts» en tout genre, il ne faut pas, non plus, passer sous silence qu’il s’agit en réalité d’une entreprise engagée depuis des années dans certains pays par des politiciens cyniques qui les ont construits de toute pièce afin de s’en servir contre la démocratie républicaine libérale et en faire leur clientèle privilégiée.

L’exemple des Etats-Unis est, à ce sujet, très édifiant puisque cette entreprise a commencé dans les années 1990 et vient d’aboutir par l’élection de Donald Trump, donc de réussir.

Patiemment, depuis la présidence de Bill Clinton, élu en 1992, les idéologues républicains ont mis le peuple américain de droite en colère.

D’abord en faisant en sorte que la politique et le personnel politique soient haïs du petit peuple de droite grâce à plusieurs subterfuges très efficaces: en diabolisant les démocrates, ces rouges, athées et immoraux; en rendant leurs présidences illégitimes (autant celle de Clinton avec l’affaire Lewinsky que celles d’Obama dont ils ont fait courir le bruit qu’il n’était pas né aux Etats-Unis et qu’ils ont essayé de les destituer); en inventant des mensonges sur la soi-disant volonté des «élites» démocrates et de l’Etat fédéral – qu’ils associaient afin de susciter un rejet plus grand des deux entités – de vouloir supprimer des droits (celui du port d’arme) ou des avantages sociaux (comme des assurances inventées par ces mêmes démocrates et gérés par l’Etat!); en paralysant exprès les institutions quand les démocrates étaient au pouvoir (en 2009, lors de l’intronisation d’Obama à la Maison blanche, les leaders républicains se réunissaient dans un hôtel et décidaient de s’opposer systématiquement au nouveau président ce qu’ils ont fait pendant huit ans alors qu’ils avaient provoqué la «fermeture» de l’administration publique sous Clinton en refusant de voter les fonds pour son fonctionnement); en suscitant des organisations de groupes de personnes en colère (comme celle contre les augmentations d’impôt) ou en les récupérant (comme le Tea party et la NRA, l’association des fabricants et possesseurs d’armes à feu).

Ensuite en opposant la dépravation des soi-disant «élites» perverties et corrompues au bon sens du peuple d’en bas, victime de leur cupidité et de leur avidité.

Des élites accusées sans cesse d’être partisanes d’une mondialisation financière débridée; d’une ouverture des frontières à tous les immigrés; d’une complicité avec les immigrés illégaux; des Mexicains «violeurs» aux musulmans «terroristes», c’est-à-dire de tous ceux qui mettent en danger la sécurité des «bons» Américains; de droits illégitimes à toutes les minorités agissantes (les gays, les lesbiennes, les transgenres mais aussi les latinos et les afro-américains); d’une culture cosmopolite qui va tuer toutes les valeurs traditionnelles de l’Amérique et, surtout, ces fameux rêve et esprit américains.

Sans oublier que les démocrates sont faibles pour défendre le pays, qu’ils ne sont pas de bons patriotes et qu’ils sont tous secrètement d’extrême-gauche.

Une de leurs démarches qui a connu le plus de succès dans cette vaste entreprise et qui a été dénoncée par nombre de politologues, a été, tout en se déportant vers l’extrême-droite, d’affirmer par un lent mais constant bourrage de crâne que le Parti démocrate, largement centriste et de centre-gauche, se radicalisait à la gauche de la Gauche.

Ils ont ainsi réussi, avec le relai des médias qui n’ont rien compris à la manipulation, à déplacer sans qu’il n’y ait aucun élément concret pour le justifier, le Centre vers la Droite, ce qui leur a permis de nier leur propre déplacement, celui-là évident, et d’instaurer un nouveau paysage politique où les centristes devenaient des méchants gauchistes et donc plus facile à haïr pour le petit peuple de droite mais aussi pour nombre d’«independents» (électeurs non-affiliés à un parti politique)…

Cette combine a été très bien expliquée dans l’ouvrage de deux politologues respectés, l’un démocrate, Thomas Mann, l’autre républicain, Norman Ornstein, «It’s Even Worse Than It Looks» (C’est encore pire qu’il n’y parait).

A l’aide de tous les outils traditionnels de propagande mais aussi et surtout ceux de la désinformation qui sont nés à l’ère de l’information en continue et des réseaux sociaux, ils ont inondé le pays de mensonges, d’insultes et d’invectives – que l’on pense au bras armé de la droite radicale républicaine, le Tea party qui comparait Obama à Staline et Hitler et l’accusait de vouloir tuer les vieux en leur refusant le droit à la santé – bien avant que Donald Trump se présente à la présidence et qu’il soit, à la fois, un des initiateurs de ce mouvement, notamment en affirmant qu’Obama n’avait pas le droit d’être président, et la résultante finale de cette mise en colère du peuple.

Bien sûr, cette victoire est étriquée, voire même inexistante, si l’on pense qu’Hillary Clinton a emporté ce vote populaire avec trois millions de voix d’écart, ce qui démontre bien que la «colère du peuple» n’est non seulement pas majoritaire dans le pays mais largement fabriquée.

Une situation ubuesque qu’aucun pays démocratique à part les Etats-Unis (avec un vote Etat par Etat) n’accepterait en ce XXI° siècle.

Maintenant, il faut évidemment voir la réalité en face car, majoritaire ou non, provoquée ou non, la montée en puissance d’une colère populaire qui s’exprime dans la rue et dans les urnes, dans les comportements et dans les propos est bien concrète.

Et il faut la traiter même si l’on sait que ceux qui l’ont attisée, voire mise en place, n’ont aucune réponse crédible pour changer de système sauf à provoquer des catastrophes immenses et, le pire, c’est qu’ils le savent…

Dans ce cadre, il faut se poser la question de savoir pourquoi cette mise en colère a si bien réussi auprès d’un aussi grand nombre de gens, que ce soit aux Etats-Unis mais également au Royaume Uni (avec le Brexit) ainsi qu’en Hongrie ou en Grèce et demain peut-être en France avec, d’un côté, une partie de la population séduite par les sirènes venues de l’extrême-gauche et, de l’autre, une partie, plus nombreuse, charmée par celles venues de l’extrême-droite.

Aux Etats-Unis, il faut se rendre à cette triste évidence, cette dernière partie considère encore le noir comme un nègre, le gay comme un pédé, la lesbienne comme une gouine et le membre du Parti démocrate comme un coco, cette dernière appellation étant sans doute l’insulte suprême pour elle…

Dès lors, il existe un terreau particulièrement favorable au déversement de toutes ces insanités dont nous avons parlé plus haut depuis plusieurs décennies et en la réussite de l’entreprise de mise en colère.

Mais il ne faut pas sous-estimer le désarroi de populations qui se sentent marginalisées même si elles vivent dans les pays les plus développés, que leur condition n’a rien à voir avec celle des générations qui les ont précédées et, évidemment, que celle de l’énorme majorité de la population mondiale, en particulier ce milliard qui vit dans une grande pauvreté.

On a évoqué plus haut les médias et les réseaux sociaux du web qui permettent aujourd’hui des mises en condition de populations beaucoup plus facilement qu’auparavant.

Pour autant, il ne faut pas se méprendre, la presse a toujours été ce qu’elle est, partisane, souvent mal faite et incapable de remplir sa mission d’information correctement, plus en quête de sensationnel qui fait vendre du papier ou permet des taux d’audience élevés que d’une information citoyenne sensée donner à tous le savoir nécessaire, avec celui venu de l’école, pour devenir et demeurer un être humain libre.

Bien sûr, il ne faut pas chercher dans les médias ce qui ne peut exister, une réelle responsabilité et l’application d’une déontologie stricte, sauf à la marge et tant que cela n’influe pas sur leur santé économique et commerciale.

Tout cela n’est pas nouveau – un âge d’or de la presse n’a jamais existé malgré les nostalgies de journalistes qui ne connaissent pas son histoire ou l’inventent – et les mouvements populistes et démagogues ont toujours pu et su en profiter.

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la possibilité d’agir à très grande échelle et la facilité avec laquelle la désinformation et la propagande peuvent se répandre auprès de l’ensemble de la population.

N’oublions jamais cette règle bien connue de tous ceux qui utilisent et instrumentalisent les médias, la fausse information sera toujours plus forte que le démenti qui tentera de l’infirmer.

Mentez et calomniez, il en restera toujours quelque chose car dans l’esprit du grand public, il n’y a pas de fumée sans feu…

Aux belles âmes, dont nous ne faisons pas partie, qui pensaient qu’une élection de Trump n’était pas possible, il est temps de se réveiller avant que d’autres personnages comme lui n’accèdent au pouvoir dans d’autres démocraties.

Aux Américains qui ne se sont pas rendus aux urnes ou ont voté Trump, il faut leur dire qu’ils sont responsables à part égale de la situation actuelle et ils seront comptables de sa présidence et de sa possible dérive qui n’est pas sûre à 100%, heureusement.

Aux gauchistes et communistes qui sévissent déjà dans les colonnes des journaux et sur les plateaux de télévision pour expliquer que l’élection de Trump est un bienfait parce qu’elle montre et va montrer la collusion entre les fascistes et les démocrates libéraux, ce qui permettra de recréer une gauche révolutionnaire qui va préparer le grand soir, ils prouvent une nouvelle fois par leur pensée totalitaire, leur incapacité mentale à sortir de schémas idéologiques aussi faux qu’imbéciles, que leur contentement démontre, au contraire, que l’extrême-gauche dans sa haine de la démocratie républicaine, a bien le plus de points communs avec l’extrême-droite qu’elle ne l’affirme et que les outrances de Bernie Sanders concernant Hillary Clinton ont été utilisées avec succès par Donald Trump pour accéder à la Maison blanche.

Y a-t-il une parade contre cette montée du populisme démagogique et la «colère du peuple» qui en résulte, celle-ci étant provoquée par celle-là, comme nous l’avons vu mais sur un terreau favorable?

La première réponse est sans doute très pessimiste.

Tout au long de l’histoire, la rancœur et la haine du peuple vis-à-vis de ses gouvernants et de l’«autre» ont toujours existé.

Comme ont toujours existé ces agitateurs professionnels qui en ont fait leur fonds de commerce.

Et ces derniers, en utilisant la face peu reluisante du peuple ont pu s’installer au pouvoir, parfois démocratiquement, et provoquer souvent des catastrophes dont l’humanité doit toujours avoir honte pour qu’elles ne reviennent jamais.

De Hitler à Staline, de Mussolini à Mao, de Franco à Kim Il-Sung, tous les dictateurs meurtriers se sont appuyés sur une partie importante du peuple pour commettre leur méfaits.

Cette réalité historique de foules en délire lors des discours d’Adolph Hitler, de foules inconsolables lors de la mort de Joseph Staline, de foules haineuses quand Mao les lançait contre les ennemis du peuple est là et bien là, depuis fort longtemps.

Ceux qui excitent les bas instincts du peuple et qui promettent tout et n’importe quoi sont souvent les premières victimes de leurs agissements quand la colère du peuple qu’ils ont suscitée se retourne contre eux.

Malheureusement, ces démagogues et ces populistes, s’ils sont rejetés à un moment donné, deviennent rapidement des icônes pour des nostalgiques incurables mais aussi pour des générations futures, incultes du passé.

Et c’est là, souvent, que l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement.

Mais on peut aussi tempérer cette vision très désespérante par une réponse plus positive, plus optimiste qui requiert, néanmoins, une responsabilité de tous les acteurs du débat public et que l’on n’a pas encore vu à l’œuvre sur la durée jusqu’à présent.

Il faut que les outils de la démocratie républicaine servent avant tout à assurer l’existence d’un régime qui permet à tous de s’exprimer mais qui doit délivrer dans le même temps un savoir qui permet à tous de choisir en toute connaissance de cause.

En outre, il faut que les sociétés démocratiques reconnaissent la nécessité de responsabiliser les citoyens, qu’ils soient comptables de leurs actes.

Mais, dans le même temps, il faut que ces mêmes sociétés soient plus justes, plus équilibrées et plus respectueuses afin d’éviter que des personnes inquiètes et perdues ne rejoignent des gens, minoritaires, qui seront toujours haineux de la liberté et de l’égalité, incapables de fraternité.

Ces derniers ont toujours existé et ils existeront toujours mais nous devons les empêcher de détruire la démocratie républicaine de l’intérieur et d’entraîner avec eux des populations fragiles.

Etre contre la démocratie républicaine a toujours été plus facile que d’être pour car, dans le premier cas, tout ce qui est caricatural marche, alors que dans le deuxième, il faut convaincre avec des arguments sérieux.

C’est peut-être triste mais c’est comme ça.

D’où le succès remporté à périodes répétées dans l’Histoire de ces mises en colère du peuple.

D’où la nécessité de ne jamais prendre pour acquis la démocratie ou croire qu’elle résistera à ses ennemis sans devoir combattre.

Enfin, et ce n’est pas le moindre motif d’espérance, Donald Trump n’a pas obtenu la majorité des voix lors de l’élection du 8 novembre 2016, loin de là.

Tout comme la famille Le Pen lors des élections présidentielles ou législatives de ces dernières années.

Il existe donc encore un peuple sain et responsable, surtout majoritaire.

Mais jusqu’à quand?

Alexandre Vatimbella


27 octobre 2018

Progressisme-conservatisme, ne pas se tromper de débat

Le débat actuel entre tenants du conservatisme et ceux du progressisme est intéressant à plus d’un titre parce qu’il oblige à aller au fond de la problématique.
D’abord, évacuons cette évidence tarte à la crème: oui, chacun de nous est à la fois un conservateur et un progressiste.

Nous voulons conserver certaines choses et en changer d’autres.

Ainsi, un conservateur peut-être progressiste dans certains domaines et un progressiste peut être conservateur dans d’autres.

Mais attention à ne pas faire de fausses interprétations.

Vouloir demeurer en vie ne fait pas de nous des conservateurs.

Vouloir s’améliorer ne fait pas de nous des progressistes.

A l’inverse de certains auteurs à la courte vue ou au dessein de confusion, tout ne peut donc pas être vue avec le seul prisme d’une opposition conservation-progression, cependant tout ne peut pas se résumer, non plus, à la complémentarité entre progression et conservation.

Le conservateur en politique n’est évidemment pas un progressiste et vice versa.

Ensuite, si nous voyons bien ce que souhaite un progressiste, aller de l’avant par rapport à la situation actuelle pour l’améliorer, cela est nettement moins clair pour les conservateurs.

En effet, veulent-ils conserver l’ordre des choses actuel ou veulent-ils revenir à un ordre ancien?

Et ces ordres actuel et ancien, quels sont-ils?

Pour l’ordre actuel quels sont les progrès acceptables dans une optique conservatrice?

Pour l’ordre l’ancien, s’agit-il de celui d’il y a un an, dix ans, cent ans, mille ans, etc.?

Et s’il s’agit d’un ordre ancien et non de celui qui est actuel, ne doit-on pas parler de réactionnaire ou de passéiste pour caractériser celui qui veut revenir en arrière, et non de conservateur qui s’appliquerait uniquement à celui qui veut conserver l’ordre présent?

Et puis il y a cette fameuse affirmation selon laquelle les conservateurs se trouvent autant à droite qu’à gauche.

Analysons-là en prenant un exemple franco-français, les 35 heures de travail hebdomadaire.

Quel que soit le résultat de cette mesure, ce qui importe est de savoir si ce sont ceux qui la combattent ou ceux qui la soutiennent qui sont des conservateurs.

Si l’on se place du point de vue du progrès dans celui de l’émancipation de l’individu par rapport à son environnement, pouvoir moins travailler et plus profiter de la vie, en tant que la définition du travail serait un effort contraignant, alors le passage à 35 heures de la durée hebdomadaire du travail salarié est un progrès.

Maintenant, la question est de savoir si son fonctionnement et son maintien dans une société qui souffre d’un manque de croissance économique et d’un fort taux de chômage est un bienfait ou une entrave pour augmenter cette croissance et faire baisser ce chômage.

Si la réponse est positive, alors ne pas vouloir changer cette durée du travail en l’augmentant peut apparaître comme un conservatisme.

Néanmoins, il serait sans doute plus approprié de parler ici de clientélisme, ce qui n’est pas la même chose.

Car ceux qui défendent les 35 heures le font avant tout par rapport à une partie de la population qui en bénéficie et non par rapport à un ordre établi qu’il faut conserver en l’état.

C’est si vrai que les défenseurs des 35 heures sont pour le «progrès» puisqu’ils souhaitent passer aux 32 heures et que beaucoup d’entre eux ne seraient pas mécontents que le «travail» soit réalisé entièrement par des robots pour créer cette fameuse société des loisirs où l’on ne s’activerait que pour des occupations de plaisir et d’enrichissement personnels.

Même si l’on peut éventuellement les qualifier d’utopistes, on comprend bien que l’on ne peut les qualifier de conservateurs mais que l’appellation de «clientélistes» s’applique bien.

De même, les conservateurs qui voudraient revenir à plus ou moins 40 heures de travail hebdomadaire, voire à des durées qui seraient négociées systématiquement entre le salarié et l’employeur dans une vision de deux volontés égales, sont plutôt des réactionnaires puisqu’ils veulent revenir à un ordre ancien et non conserver un ordre actuel.

En outre, on peut également les qualifier de clientélistes puisqu’ils se battent pour une partie de la population, les salariés qui veulent pouvoir travailler autant qu’ils le veulent pour gagner plus mais, surtout, les employeurs, qui veulent avoir une flexibilité dans ce domaine vis-à-vis de leurs salariés.

On le voit, ces deux soi-disant «conservatismes» sont plutôt des clientélismes et, de plus, ne sont pas de même nature et de même finalité.

Dans l’un il y a une volonté de progrès même si elle n’est pas bonne pour le pays selon certains.

Dans l’autre, il y a une volonté de réaction, de retour à une situation précédente, que certains peuvent trouver bonne pour le pays.

Et même si l’on adopte par convention le terme de conservatisme pour les deux comportements, on voit bien qu’ils ne sont pas de même nature.

Par ailleurs, on s’aperçoit de la difficulté de définir avec précision qu’elle est la conservation que souhaite les conservateurs – au sens traditionnel du terme utilisé par les anglo-saxons – et si celle-ci n’est pas seulement une réaction contre l’ordre actuel, réaction qui avance cachée sous un terme moins polémique et plus rassurant.

Parce que l’on peut évidemment discuter de quel progressisme parlent ses tenants mais, au moins, on sait qu’ils veulent une société qui bouge et qui évolue, une société qui se réforme.

Ici, il faut bien dire que le révolutionnaire n’est pas, par essence, un progressiste.

On peut même voir des révolutionnaires conservateurs ou plutôt réactionnaires qui veulent changer de société pour revenir à un état précédent.

De même, un progressiste qui voudrait accaparer le progrès pour une partie seulement de la population serait en contradiction avec la définition politique du progrès.

En fait, au-delà des appellations, il y a quatre manières politiques de gouverner.

La première est de conclure que le «monde qui est», est le bon, ne doit pas changer, doit être préservé tel quel et qu’il faut endiguer par l’immobilisme actif les dangers qui peuvent l’atteindre: c’est le «conservatisme préservateur».

La deuxième est de voir dans le «monde qui est» un dévoiement de ce qu’il a été et de considérer qu’il faut revenir à une époque donnée qui était la meilleure: c’est le «résurrectionnisme réactionnaire».

La troisième est de croire que la réalité du «monde qui est» n’est en fait que la manifestation d’un système particulier et qu’une idéologie différente peut le transformer de fond en comble pour en créer un nouveau: c’est le «révolutionnarisme destructeur-créateur».

La quatrième est de bien analyser les réalités du fonctionnement des sociétés du «monde qui est» et de s’appuyer sur celles-ci pour le faire évoluer vers une meilleure organisation qui aura des conséquences positives pour les individus: c’est le «réformisme constructeur».

La première option est un renoncement au mouvement émancipateur, la deuxième est un refus de la modernité émancipatrice, la troisième est une illusion chimérique d’une émancipation de la réalité, la quatrième est un pragmatisme progressiste de l’émancipation possible.

C’est dans le cadre de ce dernier que se situe le progressisme moderniste raisonnable qui rejette la réaction, la conservation et la révolution comme des comportements déraisonnables parce que refusant d’accompagner raisonnablement l’évolution en en faisant un progrès positif.
Alexandre Vatimbella