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24 novembre 2018

Depuis l’invention de l’information spectacle, le spectacle prime sur l’information

On parle beaucoup de «fake news» dont le but serait de déstabiliser un régime politique.
Avec les nouvelles techniques de l’information (internet, câble, diffusion numérique de la télévision), ces «fausses informations» ou «infox» selon la nouvelle terminologie française, ont pris une nouvelle dimension mais elles ont toujours existé et on les nommait plutôt propagande et étaient surtout mises en route par des groupes politiques et des Etats ainsi que par des entreprises qui pouvaient tenter de maquiller de la simple publicité en information.
Aujourd’hui, n’importe qui peut diffuser sur une large échelle ces infox.
Il y avait bien sûr les attaques personnelles mensongères qui, aussi, de nos jours, ont pris une nouvelle dimension mais que l’on appelait plutôt de la diffamation.
Mais l’on oublie, dans ce débat, une dimension extrêmement importante, peut-être la plus importante de toute, c’est la transformation de l’information en spectacle.
Cette mue ne date pas d’hier, elle a commencé à la fin du XIX° siècle et a réellement pris son essor au cours du XX° siècle (ce qui permet, encore une fois, de tordre le coup à cette légende d’un «âge d’or de l’information») lorsque l’éducation du peuple couplé aux progrès technologiques a permis à la presse écrite de devenir un phénomène de masse où les différents intervenants se devaient d’attirer le chaland.
Aujourd’hui, grâce aux nouveaux canaux d’information permis par la technologie, elle s’est répandue de manière endémique.
Le fondement de l’information spectacle est que l’information est un produit comme un autre, qui doit se vendre comme un autre et que pour faire appâter le «client» (lecteur, auditeur, téléspectateur, internaute), il faut la mettre en scène, la rendre la plus attirante possible et la faire coller avec les souhaits et les désirs de cette clientèle (ce qui permet, entre autres, de faire quelques concessions voulues avec la réalité).
Et, comme pour n’importe quel produit, la forme est au moins aussi importante que le fond.
Un gros titre vendeur vaut mieux qu’un titre informatif, une image «choc» vaut mieux qu’une image documentaire…
Et, comme pour n’importe quel spectacle, la mise en scène est primordiale.
Il convient ici de ne jamais oublier que les entreprises de presse ont toujours été des sociétés commerciales dont le but est d’avoir le plus de clients possible, donc de faire le plus de profit possible.
Et quand cette caractéristique commerciale est doublée d’une volonté partisane, cela a plutôt tendance à multiplier le côté spectaculaire au détriment de l’aspect informatif.
Dans un système de concurrence, il faut donc être meilleur que l’autre.
Les quotidiens et autres supports papiers se sont livrés des luttes dantesques pendant des décennies.
Puis ce sont les radios qui se sont affrontées avant que ce ne soit les chaînes de télévision «publique» (on se rappelle les luttes entre la première et la deuxième chaîne sur l’audimat du journal télévisé de 20 heures…).
Désormais, avec un paysage audiovisuel et numérique où le nombre d’acteurs s’est multiplié, la chasse au client a pris une dimension jamais vue auparavant.
Et pour que ce client aille plutôt regarder cette chaîne d’info en continu que sa rivale, plutôt ce site internet que son alter ego, aille plutôt écouter cette radio que sa concurrente (même chose pour la presse écrite), il faut lui «vendre» l’information du mieux possible et le plus vite possible.
Le mélange spectaculaire et immédiateté produit un mélange détonnant qui, de plus, entre en synergie avec l’inculture et la mauvaise formation d’une partie du personnel journalistique (auquel il faudra bien un jour s’attaquer).
Dès lors, où est l’information citoyenne?
On pourrait penser qu’elle se trouve du côté du service public de l’information que la plupart des pays du monde possède et qui devrait remplir le rôle de permettre aux citoyens de s’informer en-dehors des problèmes commerciaux et partisans.
C’est en tout cas sa mission dans les démocraties républicaines.
Or cette mission, en particulier en France, n’est absolument pas remplie.
D’une part parce que le service public a été mis en concurrence avec le secteur privé (dont la logique demeure essentiellement commerciale, ne serait-ce d’ailleurs que pour subsister) et parce qu’il est souvent le lieu d’une intense polarisation idéologique donc partisane.
Du coup, partout on l’on va pour s’informer, nous n’obtiendront que des informations biaisées où les faits sont souvent tronqués, systématiquement mis en scène, presque toujours parasités par un commentaire qui ne dit pas son nom dans un but commercial et/ou idéologique.
Ce paysage médiatique, comme on l’a vu, n’est pas nouveau mais le phénomène de l’information spectacle (que les Américains appellent «infotainement») est désormais la normalité.
Ce qui m’amène à parler de la défense bien connue du monde médiatique (au-delà de ses dénégations sur les comportements cités ci-dessus): si nous sommes comme ça, c’est parce que le lecteur le demande.
Tous ceux qui ont travaillé dans le milieu journalistique ou ont eu affaire à lui, ont entendu cette affirmation.
Comme le public demande du spectacle, donnons-en lui comme le faisait les Romains avec les jeux.
Là, se trouve une des supercheries les plus hypocrites.
Que des entreprises commerciales cherchent par tous les moyens à vendre leurs produits, c’est une évidence et elle est même légitime (quand il n’y a pas tromperie du client).
Le problème, c’est que l’information (en tout cas dans de multiples secteurs, de la politique à l’économique, du social à l’international), n’est pas un produit comme un autre.
Qu’il existe des médias qui contentent les souhaits de certains, peu importe.
Néanmoins, il ne peut être question de tordre le cou à la réalité pour vendre du mensonge sur des informations citoyennes en prétextant que c’est le bon peuple qui le demande.
Une telle justification est contraire à la mission de la démocratie républicaine, donc à la liberté de la presse qui lui est consubstantielle.
L’information doit être vraie et le commentaire libre mais l’une et l’autre doivent être clairement séparés.
Nous ne le changerons pas et, comme le rappelait Alexis de Tocqueville, il faut préférer les maux d’une presse libre imparfaite à l’absence de liberté d’information.
Néanmoins, nous pouvons l’amender dans un sens où le citoyen, à côté de ces médias commerciaux, doit pouvoir se tourner vers un vrai service public qui respecterait, enfin, les règles journalistiques de base en matière d’indépendance, d’honnêteté et qui remplirait son rôle d’informer (avec cette volonté formatrice qui est à la base d’acquérir ce savoir qui permet au citoyen d’être une personne responsable, c'est-à-dire capable d’agir sur son existence en toute connaissance de cause).
De même, nous pouvons créer des entreprises de presse associatives qui seraient à la base d’un pluralisme partisan qui, aujourd’hui, est menacé par l’aspect uniquement commercial des médias.
Enfin, un effort très important doit être fait dans la formation, à la fois, des citoyens (notamment lors de la formation scolaire) qui doivent pouvoir décrypter et comprendre au mieux l’information qu’on leur sert mais aussi des professionnels, en particulier les journalistes, qui doivent avoir une base solide mais aussi le respect d’une déontologie qui, certes, existe aujourd’hui mais semble être un phare dont la lanterne est tombée en panne depuis trop longtemps.
Et que l’on se rappelle que si, sans liberté de la presse, pas de démocratie, sans une information citoyenne pas de vraie démocratie.

Alexandre Vatimbella

07 novembre 2018

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Etats-Unis, le répit démocratique

Le Parti démocrate vient donc de gagner la Chambre des représentants, ce qui n’a pas empêché Donald Trump de tweeter qu’il s’agissait d’une «immense victoire» pour sa personne et le Parti républicain!
On n’est, bien entendu, guère étonné par cette réaction d’un personnage qui a érigé le mensonge en mode de gouvernement.
Mais on est abasourdi que les médias français reprennent cette idée que Trump a quelque part gagné parce qu’il n’y a pas eu de «raz-de-marée démocrate (que personne ne prévoyait), que le Sénat demeurerait républicain (ce qui était prévu par les instituts de sondage) et que les gains chez les gouverneurs des Etats ne sont pas aussi grands qu’espérés par les démocrates.
On a même vu un «chercheur» d’un think tank spécialisé dans les relations internationales prétendre sur une chaîne du service public que l’hôte de la Maison blanche avait gagné!
Il faut dire que ce «spécialiste» nous a aussi appris que Bernie Sanders dirigeait l’aile gauche des démocrates alors que le sénateur du Vermont (réélu) n’a jamais eu sa carte du parti!
Sur une autre chaîne, privée celle-ci, on a pu entendre un «avocat international» nous dire que cette victoire des démocrates à la Chambre des représentants ne changeraient rien puisque Trump pourrait gouverner par décret alors même que la défaite du Parti démocrate en 2010 dans cette même chambre (il avait gardé la majorité au Sénat), lors des midterms, avait complètement bloqué la présidence de Barack Obama…
Et on en passe et des meilleurs.
Plus sérieusement, cette victoire attendue des démocrates est un ouf! de soulagement pour les défenseurs de la démocratie républicaine et un répit démocratique en attendant les élections présidentielles de 2020.
Car, oui, les républicains n’ont pas été balayés et Trump peut se dire que tout n’est pas perdu.
Pour autant, les Américains ont démontré qu’ils n’étaient pas tombés majoritairement dans le populisme démagogique et le nationalisme extrémiste naauséabonds.
Rappelons d’ailleurs que Donald Trump – qui avait fait de ces élections de mi-mandat un référendum sur sa présidence – n’a jamais été majoritaire dans la pays puisqu’il a gagné la présidentielle avec trois millions de voix de moins qu’Hillary Clinton et qu’il vient de subir un nouvel échec.
Que peut-on attendre de cette confrontation entre un président populiste et républicain et une chambre plutôt située au centre-gauche et démocrate?
C’est encore difficile à dire parce que l’on ne sait pas ce que sera le comportement des démocrates.
Vont-ils s’affronter durement avec le président en s’opposant à toutes ces décisions et en ouvrant des commissions d’enquête sur toutes les très nombreuses casseroles qu’il traîne avec lui depuis des années ou vont-ils adopter une position plus modérée pour faire passer des mesures qui leur permettraient de se présenter en 2020 avec un bilan législatif positif?
Les républicains, eux, en 2008 avaient choisi la première option et, en 2010, grâce à leur victoire dans la seule Chambre des représentants (comme les démocrates aujourd’hui), avaient bloqué toutes les initiatives de Barack Obama.
Cela n’avait pas empêché ce dernier de gagner la présidentielle de 2012 mais de perdre, dans la foulée, l’entier Congrès (Chambre des représentants et Sénat) lors des midterms de 2014.
Et, en 2016 – conséquence du blocage républicain de la deuxième présidence Obama – les démocrates avaient tout perdu, et la présidence, et le Congrès.
Tout dépendra évidemment du comportement de Trump et de ses sans doute multiples provocations comme celle de prétendre qu’il a gagné les élections.
Mais même si l’hydre est toujours là, elle a quand même manqué son pari d’ancrer profondément ce populisme nationaliste aux Etats-Unis.
Et ce n’est pas seulement une bonne nouvelle pour les Américains, cela l’est également partout dans le monde où beaucoup de personnages inquiétants, de Bolsonaro à Salvini, étaient arrivés au pouvoir sur cette vague «trumpienne» et que les autocrates et leurs sbires ainsi que les populistes déjà en place, rêvaient d’une planète enfin débarrassée de la démocratie républicaine libérale.
Ce ne sera pas le cas aujourd’hui.
Rien n’est pour autant gagné dans cette guerre mais, ouf!, avec cette bataille victorieuse, rien n’est perdu.