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28 mai 2021

Le logiciel de la presse erroné face aux nouvelles menaces contre la démocratie

Par définition, une presse libre n’existe que dans un pays de liberté.

Cette évidence est bonne à rappeler à tous ceux qui ont tendance à l’oublier.

Pouvoir dire et écrire ce que l’on veut grâce à la liberté d’opinion, à la liberté d’expression et à la liberté de la presse est l’apanage d’une démocratie républicaine.

Et cette dernière est le socle de la libre parole.

Il n’est pas question, pour moi, ici, de refaire le débat sur l’utilisation de la liberté par ses ennemis pour tuer la liberté.

Non, ce dont je veux parler c’est de la responsabilité des médias face aux nouvelles menaces qui pèsent contre notre liberté.

Bien entendu, cette nouveauté emprunte largement à l’ancien mais pas seulement.

Et ce que j’entends par nouveauté c’est également un temps nouveau qui est également le retour d’un cycle qui semble inéluctable dans une démocratie républicaine où, à périodes répétées, l’hydre autoritaire et totalitaire revient en force pour abattre l’édifice démocratique en s’appuyant sur les frustrations d’une partie de la population, que celles-ci s’appuient sur du réel ou du fantasmé.

Nous sommes dans une de ces périodes comme nous l’étions dans les années de l’entre-deux guerres par exemple ou lorsque Bonaparte prit le pouvoir pour faire cesser la «chienlit» de la Révolution.

Et la presse semble incapable de prendre la mesure du défi qui se présente et qui pourrait bien, à terme, tuer sa liberté et donc la liberté tout court.

Pourtant, au début des années 1980, quand, en France, l’extrême-droite relève la tête – en même temps que l’extrême-gauche commence à se déliter avec la chute lente mais inéluctable du Parti communiste –, les journalistes dans leur immense majorité tentent de mettre un pare-feu face au Front national en refusant de reprendre ses déclarations ou d’inviter ses dirigeants à s’exprimer dans leurs colonnes, dans leurs studios et sur leurs plateaux.

Cela n’empêche, certes pas, la montée des thèses fascistes défendues par ce parti dans l’opinion – ainsi que les accros à ce pacte antifasciste –  mais cela permet qu’un interdit démocratique demeure, celui d’empêcher les ennemis de la liberté d’utiliser la presse pour la supprimer.

Et, dans la foulée, de montrer du doigt les menaces que leurs thèses recèlent.

Mais ce pare-feu va, petit à petit, de déliter puis céder d’autant plus que la mémoire collective oublie dangereusement les régimes totalitaires de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie et que le monde de l’extrême-droite discret au sortir de la Deuxième guerre mondiale se décomplexe et peut à nouveau faire de la propagande et du prosélytisme afin de retrouver son espace politique et électoral.

Ceux qui pensaient que les thèses totalitaires qui charrient les idées les plus repoussantes auraient disparu comme par enchantement, tombent de haut mais refusent alors la fatalité d’une résurgence à terme victorieuse de leurs propagateurs.

Pour autant, dans un premier temps, ils minimisent une menace dont ils pensent qu’elle est encore lointaine.

Le réveil sera d’autant plus cauchemardesque.

Dès 1986, pour torpiller une victoire écrasante de la Droite aux législatives, François Mitterrand change à la va-vite le système électoral pour permettre à des dizaines de députés du Front national de siège à l’Assemblée nationale afin de créer la zizanie entre eux et les représentants de la droite républicaine.

Si le président socialiste porte une lourde responsabilité dans le début de cette fameuse «dédiabolisation» de l’extrême-droite, il n’a tout de même pas créé cette dernière, ni son ascension.

Et en 2002, c’est le coup de tonnerre avec la présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle en lieu et place de celui qui faisait pourtant figure de prochain président de la république, Lionel Jospin.

Ce dernier coup de semonce n’a toujours pas été pris à la mesure du challenge qu’il posait à la démocratie par la presse.

Dès lors, est-il étonnant que Marine Le Pen ait été au second tour de la présidentielle de 2017 face à Emmanuel Macron et que sa présence ait été vue somme toute comme «normale».

Normale, elle l’était bien sûr puisqu’elle a obtenu le nombre de voix nécessaire pour y être.

Normale dans une démocratie républicaine, assurément non!

Et le fait que tous les sondages actuels disent qu’elle sera au second tour en 2022 montre bien que cette démocratie républicaine s’est bien mal défendue.

Evidemment, elle n’est pas la seule comme l’a montré l’élection de Trump aux Etats-Unis en 2016 ou la présence d’autocrates au pouvoir en Hongrie, en Pologne, en Turquie, en Russie (où il y eut des élections libres, ne l’oublions pas, avant la mainmise de Poutine sur le pays), aux Philippines, au Brésil.

Oui, le mouvement qui porte l’extrême-droite et la montée du populisme qui permet ses victoires concernent toutes les démocraties du monde.

En Espagne, c’est Vox, parti franquiste qui à le vent en poupe, tout comme en Allemagne, l‘AfD, le parti néo-nazi.

Et il n’y a pas si longtemps, c’est le parti fasciste de la Ligue qui était au gouvernement en Italie.

Dans ce paysage extrêmement préoccupant, la presse n’a pas remplie son rôle quand il le fallait.

Pire, aujourd’hui, pour des raisons multiples qui vont d’idéologies inquiétantes à de simples motifs commerciaux, elle a très largement ouvert ses portes à tous les extrémistes, les radicaux et les populistes qui veulent abattre la démocratie.

Et face aux réseaux sociaux, non seulement elle n’a pas été la digue de la responsabilité et du sérieux de l’information mais elle s’est mise à copier internet pour tenter d’assurer sa survie économique.

Même les médias de service public, pourtant à l’abri de déboires financiers, ont joué le mimétisme avec cette presse commerciale et ces réseaux sociaux.

Mais la presse n’est et ne peut être qu’une pâle copie de ces réseaux si elle veut les singer.

Ceux-ci  auront toujours un temps d’avance et une image romantique positive auprès de ceux qui veulent les croire ou qui tombent dans le panneau de leur information biaisée par rapport à une presse devenue, par sa propre volonté d’ailleurs, une institution en s’autoproclamant «quatrième pouvoir», une énorme erreur de communication…

Parce qu’aujourd’hui, un des succès des réseaux sociaux, c’est bien d’être le lieu contre tous les pouvoirs institutionnalisés.

Pourtant, le fait d’être cette institution aurait pu permettre à la presse d’être ce lieu de responsabilité où l’on informe d’abord et où l’on permet au citoyen de prendre la mesure des périls contre sa liberté.

Au contraire de cela, elle a joué l’irresponsabilité au nom d’une liberté qui impose justement de la responsabilité pour être effective…

Aujourd’hui, la presse ne remplit pas son devoir démocratique en mettant, par exemple, sur le même pied un Emmanuel Macron et une Marine Le Pen, une Hillary Clinton et Donald Trump dans ce que certains ont appelé les «fausses équivalences» qui aboutit à ce que les propos mensongers des extrémistes soient mis sur le même plan que les dires vérifiés des démocrates, où les positions et les personnalités des apprentis autocrates soient traitées de la même manière que celle des candidats des partis démocratiques.

On a vu le résultat en grandeur nature qui s’est produit aux Etats-Unis où, in fine, un personnage comme Trump a pu parvenir à la Maison blanche grâce à une dédiabolisation venue des médias eux-mêmes et qui a tenté un coup d’Etat à la fin de son mandat pour demeurer au pouvoir.

Un Trump qui est un modèle pour Marine Le Pen, tout comme l’est Poutine qui tue des opposants et musèle les médias qui ne sont pas à ses ordres.

Il est urgent que la presse évolue vers une prise de conscience de sa responsabilité dans la protection de la démocratie qui seule lui permet d’exister.

Et quand je dis qu’elle doit évoluer, c’est parce que le temps soi-disant béni où elle était ce phare de la liberté n’a jamais existé!

Cependant, on pouvait penser qu’en accumulant de l’expérience et en formant mieux ses journalistes, elle serait capable de remplir sa mission d’informer du mieux possible le citoyen pour que ce soit celui-ci qui se fasse sa propre opinion tout en lui rappelant que s’il pouvait le faire c’est bien parce qu’il y avait une presse libre, dont la liberté était uniquement garantie par un régime démocratique.

Cela n’a pas été le cas et la défiance qui pèse désormais sur la démocratie vient en partie de ses erreurs, voire de ses fautes ou, pire, d’une volonté affirmée par certains médias d’être des éléments subversifs à l’encontre de la démocratie républicaine.

Peut-on espérer un sursaut et voir le logiciel journalistique être enfin mis aux normes des gigantesques défis qui se présente à la démocratie en ce XXI° siècle?

Les solutions existent, comme par exemple, un service public de l’information géré par une autorité indépendante et contraint par une charte précise de remplir sa mission indispensable à la formation d’un citoyen responsable et capable de prendre des décisions en toute connaissance de cause pour ses intérêts et ceux de sa communauté tout en respectant les valeurs, les principes et les règles de la démocratie.

Mais, seuls les organes de presse commerciaux eux-mêmes peuvent décider de devenir enfin ce pourquoi ils existent in fine dans une démocratie: promouvoir la liberté.

Alexandre Vatimbella

 

 

21 mai 2021

Pas de liberté pour les ennemis de la liberté?

Quand on entend les propos pleins de sagesse de la philosophe Monique Canto-Sperber dans son dernier livre, «Sauver la liberté d’expression», elle qui veut lutter contre la désinformation, les fake news, la cancel culture et la violence des discours qui s’est accrue exponentiellement avec les réseaux sociaux en y opposant la capacité de débattre où la parole serait vraiment partagée dans un juste équilibre, on applaudit mais on demeure dubitatif tellement la situation s’est détériorée ces dernières années.

En revanche, on la soutient lorsqu’elle expliquer que la liberté d’expression n’est pas la liberté d’opinion, la seconde devant demeurer libre et sans entrave, tandis que la première doit être organisée dans un cadre où elle ne peut déraper.

Oui, tout peut être pensé, non, tout ne peut pas être dit et écrit publiquement.

Cependant, le problème cardinal, voire vital, de la liberté d’expression et d’opinion tient dans ce paradoxe extrême qui fait que la liberté est attaquée et souvent supprimée avec ses propres armes c’est-à-dire à la liberté donnée par la liberté à ceux qui veulent l’abattre de pouvoir s’exprimer en toute liberté au risque de néantiser la liberté des autres, de tous les autres, dans les faits.

Oui, tout commence par des mots parce que nous sommes des êtres communicants.

Donc toute ignominie a commencé par des mots pensés, dits, écrits.

Ce sont par des mots que le nazisme, le fascisme, le franquisme, le léninisme et le stalinisme ont d’abord attaqué la liberté avant de la détruire une fois au pouvoir.

Tout était dans Mein Kampf d’Hitler, dans Que faire? de Lénine.

Car le problème n’est pas d’avoir peur de la liberté d’opinion mais bien d’une parole débridée qui, in fine, la fera disparaitre concrètement alors que rien et personne ne sont légitimes à le faire.

Parce que l’attentat contre de la liberté par les mots se transforme souvent en agression contre les personnes, psychologiquement et physiquement.

Lors du génocide des Arméniens par les autorités turques, la première décision fut d’arrêter, de déporter et d’exterminer toute leur intelligentsia  culturelle et politique, de les priver du droit à la parole pour mieux les exterminer, une leçon que les autorités allemandes n’oublieront pas.

Dès lors, ne doit-on pas agir préventivement et faire sienne cette fameuse adresse qui est attribuée – faussement – à Saint-Just lors de la Révolution, «Pas de liberté pour les ennemis de la liberté».

Cette sentence, au premier abord est terrible parce qu’elle semble être une contradiction totale de ce qu’est la liberté qui doit être la même pour vraiment exister, surtout qui ne peut être brandie contre elle-même.

La liberté est basée sur l’égalité, ne peut exister sans l’égalité de tous à pouvoir l’exercer.

Pourtant, elle parle de cette contradiction que contient en elle-même la liberté, la possibilité de ses ennemis de l’utiliser pour la supprimer.

Que recouvre en fait cette discrimination?

D’abord et fondamentalement que c’est pour que l’égalité de chacun à être libre demeure effective que les ennemis de la liberté ne peuvent l’utiliser contre elle.

Ensuite que ceux qui ne respectent pas la liberté des autres ne peuvent prétendre bénéficier de leur liberté.

Ou l’on défend la liberté et l’on a le droit de s’en servir, ou l’on est un ennemi de celle-ci et on ne peut l’instrumentaliser contre elle.

Plus prosaïquement, la liberté se défend contre ses ennemis c’est-à-dire que l’on ne peut demeurer passif devant ceux qui profitent d’un régime de liberté pour l’abattre.

Ce que nous apprend ce XXI° siècle avec la montée de l’autonomie irresponsable de l’individu couplée avec la montée d’un égoïsme irrespectueux de l’autre qui favorise les thèses autoritaires, c’est qu’à l’inverse que ce que croyaient les libéraux, on a besoin, et de la liberté des «anciens», et de la liberté des «modernes», et de la liberté «positive», et de la liberté «négative» dans une dimension collective (alors que l'inventeur de cette dichotomie, Isaiah Berlin l'envisageait du point de vue individuel).

C’est un constat en rapport avec l’évolution des mentalités et des comportements mais aussi des capacités humaines ici et maintenant.

Contrairement à ce que pensaient les libéraux des 17e, 18e et 19e siècles, non seulement la liberté des «modernes», celle reposant sur le libre-choix de chacun, n’a pas créé un monde ouvert où tout le monde se respecte mais la formation et l’information, condition sine qua non d’un individu capable de bien d’utiliser sa liberté pour lui et vis-à-vis des autres, ont failli ou, tout au moins, demeurent largement incomplètes.

Or, pour que la liberté vive, il faut une personne qui respecte l’autre et qui, correctement formée et informée, comprend la nécessité de faire vivre la liberté comme un bien commun inaliénable.

Aujourd’hui, la liberté est simplement revendiquée comme un bien «naturel» et individuel qui repose sur la fiction que nous naissons libres.

Si cette fiction est essentielle pour affirmer que l’être humain n’a d’autre maitre que lui et ne peut être asservi même volontairement, elle l’a, à l’inverse, conduit à se désintéresser de la dimension éminemment collective de la liberté, en particulier dans sa défense.

Ainsi, la participation des citoyens doit être effective avec la mise en place partout où cela est possible d’une association entre les gouvernés et les gouvernants dans une sorte de cogestion de la démocratie, participation qui passe évidemment par le fait de remplir ses «devoirs de citoyen» comme d’aller voter à chaque élection.

Mais ces devoirs ne doivent pas s’arrêter là.

L’absence dans la plupart des démocraties d’un service obligatoire à rendre à la communauté (comme l’était par exemple le service militaire et qui pourrait prendre aujourd’hui la forme de périodes à dédier à la communauté dans des domaines les plus divers) a distendu le lien entre la liberté de l’individu et ses devoirs qui en découlent envers celle-ci.

Ce n’était pas une évidence il y a encore cinquante ans, cela l’est devenu désormais.

La liberté n’est en effet pas donnée «naturellement» mais elle se conquiert et elle ne se conserve pas sans agir, c’est-à-dire qu’elle doit être protégée contre ses prédateurs, ce qui ne peut se faire qu’ensemble.

Or cette protection ne peut être réalisée individuellement mais doit se faire collectivement parce que tout les membres de la communauté sont dans le même bateau et pour qu’il demeure à flot et qu’il continue sa traversée, l’ensemble de l’équipage doit aller dans le même sens.

De même, il ne s’agit pas seulement de lutter contre l’oppression pour être libre (liberté négative) mais bien d’agir pour la faire vivre dans la collectivité en prenant par à son fonctionnement et à sa protection (liberté positive).

Face à cela, ceux qui veulent tuer la liberté sont évidemment les ennemis de sa dimension individuelle et collective.

Ils doivent être combattus comme tels et non être tolérés comme une sorte de résidu naturel de la liberté qui ne pourrait satisfaire tout le monde.

Car la liberté n’est pas un bien, ni même un droit, c’est l’état indépassable de la condition humaine d’une société respectueuse de chacun de ses membres.

A ce titre, cette société est tout à fait légitime de se battre contre les ennemis de cette liberté.

Pour cette dernière, c’est tout simplement une question de vie ou de mort.

Et elle ne peut se laisser assassiner.

D’où le combat légitime de ses défenseurs.

Et n’oublions pas que ce combat n’est pas initié par eux mais bien par les ennemis de la liberté.

 Alexandre Vatimbella

 

03 mai 2021

La liberté toujours condamnée à se dévorer elle-même?

Pour ses défenseurs, il y a une question angoissante et lancinante qui revient sans cesse: la liberté est-elle condamnée à se dévorer elle-même dans un mouvement circulaire où la liberté tue la liberté qui tue la liberté qui…

Et il ne s’agit pas de discuter ici de la différence entre la vraie liberté et la licence qui se déguise en liberté.

La liberté est et sera toujours, en effet, une valeur confrontationnelle dans la pratique (alors qu’elle ne l’est pas forcément dans la théorie).

Cela signifie que la liberté de l’un se confronte toujours à celle d’un autre, à celle de tous les autres.

Cela signifie également que les différents types de liberté (d’opinion, de déplacement, de choisir telle ou telle chose, etc.) sont souvent en confrontation entre elles.

Pour tenter d’éliminer le plus possible cette confrontation ou la rendre non-violente, on définit la liberté en société comme de faire tout ce que l’on veut sans empiéter sur la liberté de l’autre.

Belle définition mais qui ne tient pas en pratique, en tout cas sans une force de répression pour interdire à l’un d’empiéter sur la liberté de l’autre.

Mais même cette règle démocratique imposée par la force n’empêche pas la liberté de jouer contre elle-même.

Ainsi de la liberté d’attaquer la liberté grâce à la liberté.

Je peux ainsi être un opposant à la liberté et avoir la liberté de le dire, de militer pour au nom de cette liberté que je veux supprimer.

Bien sûr, quand je passe à l’acte, j’entre en conflit avec la règle démocratique qui, en fait, restreint ma liberté d’agir même si celle-ci est, en l’occurrence, de dépasser les limites démocratiques de la liberté et de tomber dans la licence.

Bien entendu, ce que je dis là n’est pas nouveau et nombre de penseurs et de philosophes l’ont dit avant moi et mieux que moi.

Pour autant, cela a une conséquence sur le régime de la liberté, la démocratie.

Celle-ci porte ainsi en elle-même sa propre destruction et dans un paroxysme peut même s’autodétruire elle-même.

Car si la démocratie ne peut plus être seulement considérée comme le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple puisqu’elle ne peut être à la merci d’un vote de la majorité pour la supprimer, dans les faits, c’est encore possible.

En donnant la liberté à une majorité de citoyens lors d’élections ou de référendums de voter pour des ennemis de la démocratie ou pour l’abolir, la démocratie crée les conditions de sa propre disparition ce qui n’est évidemment pas le cas d’un régime totalitaire.

En imaginant que 99% de la population décide de supprimer la démocratie et donc la liberté, comment les 1% pourront concrètement s’y opposer?

Et s’ils s’y opposent, ils n’ont aucune chance de remporter le combat et, en revanche, le risque de finir morts ou en prison.

De même, introduire une règle empêchant d’abolir la démocratie par exemple dans une Constitution n’a de force que si elle est consensuellement partagée et acceptée.

Fragile liberté et fragile démocratie qui peuvent être instrumentalisées jusqu’à plus soif alors même qu’elles sont les plus beaux cadeaux que les peuples peuvent se faire à eux-mêmes.

Sortir de cette impasse de leur fragilité inhérente passe, on le sait, par des citoyens conscients de la valeur intrinsèque de la liberté et de la démocratie, c’est-à-dire des citoyens éveillés qui ont reçu une formation qui leur permet de distinguer leur intérêt et de le préserver mais aussi une information qui empêche les aventuriers de tenter de les influencer pour leur retirer ces deux biens.

Mais comme nous ne sommes pas dans un monde parfait où les gentils dominent par la seule persuasion des méchants, ces derniers – en l’espèce les ennemis de la liberté – doivent être interdits de pouvoir attenter au régime démocratique.

In fine, la liberté doit être défendue même contre elle-même.

Bien sûr, cette affirmation fera bondir nombre de ceux qui croient qu’on ne peut la limiter que lorsqu’elle devient licence, c’est-à-dire lorsqu’elle ne respecte plus celle de l’autre.

Cependant, force est de reconnaitre que la parole et l’écrit (l’opinion) permettent d’agir et que lorsqu’elles appellent à la sédition, à la violence et à la suppression de la liberté, elles doivent être combattues.

Et s’il semble difficile d’empêcher la libre expression dans un régime de liberté au-delà d’attaques personnelles ou d’appels au meurtre, on peut empêcher que cette expression se matérialise dans des organisations et des actions.

On peut penser – ou espérer – que s’il y avait eu de telles limites, des personnages comme Hitler, Staline, Mao, Mussolini, Franco, Khomeiny, Kadhafi, Amin Dada et tous les autres, contemporains et dans l’Histoire, et ils sont beaucoup trop nombreux, n’auraient pu mener à bien leur entreprise de destruction et que l’on aurait pu sauver des centaines de millions de personnes tout en leur assurant la liberté.

Pensons-y alors qu’une nouvelle génération de scélérats est en train de tuer la liberté un peu partout dans le monde.

Sans oublier tous ceux qui font profession de le faire dans les démocraties.

Louons sans réserve la liberté mais ne soyons pas dupes de son masochisme.

Surtout, préservons-nous de ses effets destructeurs.

Reste que la lucidité nous impose, aujourd’hui, de se battre à chaque instant pour cette liberté face aux assauts, aux attentats, aux agressions, aux outrages et aux provocations, parce qu’il en va de notre dignité d’humain.

 Alexandre Vatimbella