La démago-populo-médio-médiacratie (dpmm) c’est-à-dire une
médiacratie démagogique, populiste et de la médiocrité tire déjà vers le bas le
projet démocratique, le pervertit de l’intérieur en en changeant et en contaminant
plus ou moins rapidement les diverses composantes de sa substance et, surtout,
à terme le menace de disparition.
Si la démagogie, le populisme et la médiocrité alliés à la
médiatisation outrancière et irresponsable de la société ne sont pas des phénomènes
nouveaux, ils prennent une importance en ce début de XXI° siècle où la démocratie
républicaine devient ce lieu politique sinistré où le nombrilisme, c'est-à-dire
les désirs et la toute-puissance de l’individu autonomisé égocentrique assisté
irresponsable insatisfait irrespectueux veulent s’imposer au nom d’une
conception libertario-hédoniste et atomisée de la liberté – qui n’est alors que
la licence – et, surtout, de l’égalité – qui n’est alors que de l’égalitarisme
– ainsi que le relativisme qui va mettre des revendications humanistes et
criminelles sur le même plan au nom du respect des cultures et des différences
des peuples.
Pour ceux qui douteraient, juste quelques noms de ceux qui
sévissent dans le cadre de cette dpmm dans ce qui sont encore des démocraties
républicaines (même si certaines sont déjà fortement contaminées): Donald
Trump, Boris Johnson, Gilets jaunes, BFMTV, Mediapart, Fox news, Matteo
Salvini, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Steve Bannon, Podémos, Nigel
Farage, Tea party, Syriza, Vox, Viktor Orban, Jair Bolsonaro, Recep Erdogan,
Benjamin Netanyahu, AfD, Jarosław Kaczyński, Luigi di Maio (et cet inventaire,
vous l’aurez compris, est loin d’être exhaustif).
Grâce à ce maelström qui devient immaitrisable, des
personnages loufoques, clownesques ou, pire, dangereux ainsi que des criminels
peuvent s’imposer ou imposer leurs actes à la société mondiale.
La démago-populo-médio-médiacratie peut dès lors remplacer
la démocratie républicaine en tant que système politique (et ne plus être seulement
un virus la contaminant) qui va produire et permettre l’avènement final
d’individus à l’autonomisation égocentrique assistée irresponsable insatisfaite
irrespectueuse qui, par leurs demandes extravagantes, permettront l’émergence
de régimes populistes violents et liberticides au nom d’un «peuple» qui est une
fiction mais s’appuyant en revanche sur des masses plus ou moins informes et
aux revendications parfois contraires.
La grande question est de savoir si cette dpmm est in fine
un travers et une déviation grave de la démocratie républicaine – qui est
elle-même un système qui se base sur l’ensemble de la communauté, sur les
classes moyennes et dont l’objectif est de rendre la vie meilleure avec une
transmission du savoir et de l’information qui permettent à l’individu de
devenir une personne responsable – ou, beaucoup plus inquiétant, si elle n’est
que le futur de celle-ci.
En une question essentielle: peut-on arrêter cette marche
vers le précipice?
En réalité, il n’y a pas, à ce moment historique précis de
ce processus en cours, de réponse, ce qui est déjà assez anxiogène.
En effet, la démocratie républicaine qui, rappelons-le, est
un système politique qui a été introduit – imparfaitement – au moment où les
colonies américaines de la Grande-Bretagne sont devenues les Etats-Unis
d’Amérique puis lors de la Révolution française (où elle ne dura que peu de
temps) avant de se diffuser lentement dans les sociétés du XIX° siècle (avec
une menace de disparition totale de la planète lors de la Guerre de sécession,
les Etats-Unis étant alors la seule nation démocratique et républicaine) et de
prendre son véritable essor au cours du XX° siècle avec son pic d’intensité
dans les décennies 1980-2000, se trouve face à l’avenir que contiennent ses
promesses d’émancipation de l’individu dans son statut de personne avec toutes
les contradictions qu’elle véhicule depuis sa première expérience jusqu’à
toutes celles qui se sont accumulées au fil de son fonctionnement.
Pour le dire plus clairement, rien n’indique que l’avenir
des sociétés humaines soit la démocratie républicaine mais rien n’indique, non
plus, le contraire.
Mais ce qui est sûr, c’est que, sans la mobilisation de tous
les défenseurs de la démocratie républicaine, celle-ci n’a aucune chance de
perdurer nulle part.
Dès lors, c’est bien un combat que ceux-ci doivent mener
tout en ne mésestimant pas, ni la force de ses ennemis intérieurs, ni les
défauts même de ce régime et peut-être même la fiction sur laquelle elle s’est
établie, c'est-à-dire la possibilité de créer ce nouvel individu capable de
vivre sa liberté dans la responsabilité, respectueux, solidaire et tolérant
vis-à-vis de l’autre.
Oui, une des interrogations que ce début de XXI° siècle
porte en lui, c’est bien de savoir si la démocratie républicaine peut s’appliquer
comme système dominant, voire hégémonique, c'est-à-dire si tous les habitants
de cette planète (et donc tous ceux qui vivent actuellement dans une démocratie
républicaine) sont capables de vivre en démocratie républicaine, d’en respecter
les règles et les valeurs.
Et force est de dire qu’aucune réponse positive catégorique
n’est rationnellement possible, ce qui nous renvoie malheureusement aux
critiques des pourfendeurs de la démocratie qui ont toujours estimé qu’elle ne
pouvait pas réellement fonctionner dans la durée (ni même du tout, ce qui est
faux).
Pour autant, si la démocratie républicaine est bien un pari
sur l’humain, elle est aussi le cadre le plus propice à l’épanouissement des
intelligences et des talents tout en garantissant à chacun l’intégrité de son
individualité, de sa différence.
Alors oui, même si les vents semblent contraires, il faut
continuer à naviguer et à se dresser contre la fatalité qui n’est peut-être pas
aussi fatale qu’on le craint.
Alexandre Vatimbella