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18 juillet 2024

Quand les mots sont instrumentalisés, la démocratie est en grand danger

Ces dernières années, avec la montée de la démagogie, du populisme, du basculement de l’information mise en scène («infotainment») devenue un vulgaire divertissement informatif, de l’intrusion des réseaux sociaux et autres moyens électroniques de communication, l’ensemble des discours publics est dominé par les superlatifs, les effets de manche, la dramatisation – sans même parler des mensonges véhiculés par les fake news et l’élucubrationisme (complotisme) – où s’effacent petit à petit et de plus en plus la réalité et les faits.

J’ai souvent écrit sur ce sujet et je dois dire que les dérives s’accélèrent et qu’aucune prise de conscience ne se fait jour, bien au contraire.

On en a encore vu des exemples lors des dernières campagnes électorales dans l’ensemble des démocraties.

La campagne présidentielle aux États-Unis est archi-dominée par ces phénomènes mais aussi la campagne législative en France.

Prenons un exemple.

Selon les médias, on a assisté à un «triomphe» du RN et au «naufrage» de la majorité présidentielle avec la «fin de règne» du Président de la république.

Sans évidemment contester que le RN a gagné le premier tour en arrivant en tête, que la majorité présidentielle est troisième à quelques encablures, tout le reste n’est que mensonges.

D’abord le triomphe du RN.

Si l’on prend son résultat dans les urnes, il a recueilli moins de 30% des voix.

Certes c’est un succès éclatant mais pas un triomphe.

Surtout si l’on prend son score vis-à-vis des inscrits qui descend alors à 19%, c’est-à-dire que moins d’un Français sur cinq inscrit sur les listes électorales a choisi la formation d’extrême-droite.

Non, ce n’est pas ce que l’on peut appeler un triomphe démocratique…

Cela n’enlève évidemment pas l’a nécessité impérieuse et le devoir cardinal de tous les démocrates d’éviter qu’il ne remporte le deuxième tour dimanche prochain.

Ensuite le naufrage de la majorité présidentielle.

Si l’on prend son résultat dans les urnes, elle a juste dépassé les 20%.

Certes c’est un recul par rapport à 2022 mais comment peut-on utiliser des mots aussi forts que «naufrage» et d’autres encore plus extrêmes pour une coalition qui obtient plus de 20% des votants (et plus de 13% des inscrits).

C’est évidemment une défaite mais pas la catastrophe à la une de tous les médias.

Quant à la «fin de règne» d’Emmanuel Macron.

Comme celui-ci l’expliquait, il n’était pas sur les bulletins de vote.

Certes, c’est sa majorité qui l’était et il l’a bien évidemment défendue.

Mais il y a une Constitution et qui dit très explicitement que le Président de la république même en cas de défaite de son camp aux législatives demeure à son poste avec toutes les attributions que lui donne sa fonction et qui sont importantes.

Rien de près ou de loin à une fin de règne.

Ajoutons cette opinion que l’on retrouve dans tous les médias comme quoi sa stratégie de convoquer des législatives anticipées pour effacer la défaite aux européennes aurait été un échec complet.

Or, ce n’était pas du tout le but d’Emmanuel Macron.

Certes, il aurait préféré que ce sursaut démocratique ait lieu mais il n’est pas assez bête ou enfermé dans un univers à sa gloire – dixit les médias – pour ne pas savoir que la dynamique de l’extrême-droite, avec l’aide de l’extrême-gauche mélenchoniste, conduisait Marine Le Pen tout droit à l’Elysée en 2027.

Pour éviter ce cataclysme, provoquer des législatives qui vont peut-être obliger le RN à gouverner trois ans avant la prochaine présidentielle – au grand dam de la petite entreprise le Pen – permettra, espère-t-il, de montrer sa dangerosité et son incompétence aux Français qui, enfin, se détourneront de lui et enterreront définitivement les ambitions lepénistes.

On peut également prendre la campagne des élections américaines avec le débat qui a opposé Joe Biden à Donald Trump.

Certes le centriste démocrate n’a pas été bon sur la forme face à l’extrémiste populiste républicain.

En revanche, il l’a littéralement enfoncé sur le fond d’autant que Trump a égrainé mensonges sur mensonges.

Considérer que Biden est fini, qu’il doit laisser la main à un autre candidat, qu’il est un gâteux sans avenir comme l’ont titré nombre de médias américains (qui militent depuis plusieurs années contre un deuxième mandat de sa part) est une instrumentalisation des mots qui ne correspond en rien à la réalité et aux réalisations du démocrate depuis près de quatre ans à la Maison blanche.

Et l’on pourrait continuer pendant des lustres à parler de cette falsification comme, par exemple, le terme «génocide» utilisé pour qualifier l’offensive armée d’Israël contre le Hamas ou la volonté d’entretenir la confusion en utilisant le mot «antisionisme» pour exprimer son antisémitisme de manière cachée, tout cela juste 80 ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale et le génocide bien réel contre les Juifs où des petits enfants étaient jetés vivants dans des fours crématoires pour augmenter les cadences simplement parce qu’ils étaient juifs…

Les penseurs chinois, dans l’ancien temps, estimaient qu’il fallait que les mots soient utilisés à bon escient et s’attelaient souvent à cette tâche de la «rectification» de ceux-ci afin d’éviter qu’ils soient instrumentalisés notamment par le pouvoir impérial et pour tromper le peuple.

Albert Camus, également, estimait important de ne pas dévoyer la signification des mots dans une démocratie au risque de lui porter atteinte gravement, de la faire disparaître à terme.

Manifestement, la leçon n’est guère été apprise et, pire, c’est exactement le contraire que nous sommes en train de vivre.

Alexandre Vatimbella

 

 

16 juillet 2024

La démocratie est un dû qui se mérite!

Oui, la démocratie moderne qui allie les respect de valeurs qui sont supérieures au vote populaire et ce même vote néanmoins indispensable, est le régime le plus «naturel» pour les humains.

Il l’est parce qu’il respecte ce qui est une évidence de la nature: chaque individu possède une individualité qui n’est réductible à aucune autre, chaque individu à des différences qui le rendent unique et qui font que son intérêt pour vivre son individualité passe par sa liberté dans l’égalité de tous les autres et dans la protection de sa dignité par la société administrée par la démocratie républicaine libérale.

Une société qui assure à tout individu la sécurité de pouvoir vivre son individualité ce qui implique, en retour, qu’il respecte l’autre, tous les autres et leur dignité c’est-à-dire un cadre où il partage, en tant qu’être social, une organisation indispensable pour son existence de sa naissance à sa mort, même s’il décide de vivre en ermite, il appartient toujours à cette société à laquelle il est redevable de sa liberté, de son égalité, de la fraternité qu’elle lui apporte et du respect de sa dignité qu’elle lui assure.

Ce régime est dit «naturel», non pas parce qu’il existe ou s’impose naturellement mais parce qu’il est celui qui correspond à l’essence même de l’individu dès sa naissance et est inhérent aux droits que lui donne son existence même.

Dès lors, si la démocratie est un dû, elle est tout sauf un don de la nature aux humains.

Car, oui, si la démocratie est due à chaque individu, elle n’existe pas chez les humains à l’état de nature.

Elle est donc une construction culturelle qui demande des efforts, donc qui se mérite.

Ainsi, si tout individu est légitime à réclamer la condition et les droits que lui offre la démocratie, il doit pour cela se comporter en homo democraticus.

Et dans ces temps troublés où les peuples et leurs dirigeants perdent le sens des valeurs et la boussole démocratique, il est bon de rappeler cette double évidence.

Aucun peuple, aucun individu n’est légitime à refuser que la démocratie républicaine soit le régime qui gouverne les humains.

Mais ce régime ne peut vivre sans le devoir des peuples et des individus, un devoir qu’ils rendent à eux-mêmes, in fine.

Or, en ce début de 21e siècle et de troisième millénaire, ce devoir est de moins en moins rempli, de plus en plus critiqué ce qui a pour conséquence d’affaiblir la démocratie et fait peser sur elle une menace de mort.

Parce que la démocratie est le régime du plus faible, c’est-à-dire qu’elle est le régime qui, en accordant des droits également à tous, en accordant la même dignité aux plus faibles et aux plus forts, est en position de faiblesse face à tous les autres régimes qui valorisent les plus forts au détriment de la liberté de tous, de l’égalité entre tous, de la dignité accordée à tous et la fraternité partagé entre tous.

Ainsi, si, demain, la démocratie disparait les seuls responsables seront nous-mêmes.

Alexandre Vatimbella

 

 

15 juillet 2024

Et si mécontentement et colère n’avaient nul besoin de justification mais étaient inhérents à la condition humaine

Que tout aille bien ou que tout aille mal, les humains sont toujours mécontents et «en colère», selon une expression loin d’être neutre dans son utilisation par les médias mais les motifs de leur ire varient.

Que ce soit pour la sécurité ou l’environnement ou l’inflation ou l’école ou l’immigration ou quoi que ce soit d’autre, les raisons du mécontentement et de la colère sont interchangeables comme le montrent les sondages à travers les années.

Quand il n’y a pas d’événements violents – manifestations qui dégénèrent, attentats terroristes ou crimes particulièrement crapuleux ou abominables – qui peuvent justifier un mécontentement ou une colère en matière de sécurité, les gens trouvent matière à se plaindre dans une pollution quelconque ou bien dans un dysfonctionnement de l’école à moins que ce soit une hausse des prix voire que des bateaux d’immigrés qui accostent dans les ports.

D’où cette réalité: le mécontentement et la violence changent de causes qui ne sont donc que des fausses justifications pour un état qui, lui, est permanent.

Cela ne veut évidemment pas dire que les choses vont bien ni que les événements qui se déroulent n’ont pas de raison de provoquer une légitime indignation.

Non, cela signifie que, de toute façon, les humains trouveront un motif pour être mécontent ou «en colère» alors qu’ils pourraient jauger entre ce qui va bien et ce qui va mal et adopter une vision plus équilibrée.

Et ils sont mécontents et «en colère» qu’ils vivent dans un pays pauvre ou dans pays riche.

Qu’ils soient des privilégiés ou non.

Que leur niveau de vie et leur condition d’existence se soient nettement améliorées ou non.

Donc c’est de condition humaine qu’il faut parler.

Être mécontent et être «en colère» face à l’existence ne peuvent être niés dans le comportement humain.

Quel que soit le monde dans lequel nous vivons, notre existence n’est jamais parfaite et si elle l’est, elle ne dure que peu de temps.

Il y a toujours quelque chose qui cloche.

Et à la fin, nous disparaissons sans jamais avoir su pourquoi nous avions existé.

Tout cela est anxiogène pour tout le monde.

Et notre révolte face à la vie est in fine vaine.

Nous pouvons bien sûr changer des choses dans le monde que nous vivons, surtout dans les sociétés que nous créons mais nous ne pouvons pas changer de monde.

Et ça, c’est une grande frustration qui, de manière souterraine, alimente sans cesse un mécontentement et une colère latente qui n’attend qu’une étincelle, souvent peu rationnelle, pour exploser.

Car, oui, notre quotidien, pour une raison ou une autre, sera toujours difficile avec des événements que nos subirons.

Et au lieu de nous réjouir de ce qui va mieux, nous serons toujours plus prompts à nous plaindre de ce qui va mal ou de ce qui va moins bien, même si cela est conjoncturel.

Dès lors, nous devons faire le constat que l’Histoire nous apprend: nous ne pourrons jamais connaître le vrai bonheur – encore faut-il que nous puissions le définir comme nous le rappelle Kant – parce qu’il y aura toujours des interférences plus ou moins importantes qui rendront notre existence tout sauf un long fleuve tranquille.

Une des preuves les plus flagrantes de cet état d’insatisfaction chronique qui provoque notre mécontentement et notre colère, est que quelle que soit l’amélioration de nos conditions de vie nous continuons à nous plaindre.

Qu’un peuple mangent à sa faim alors que d’autres meurent de famine et que ses ancêtres en ont été victimes, qu’un peuple vive en paix alors que d’autres meurent dans des guerres et que ses ancêtres sont morts par millions dans des conflits barbares, qu’un peuple ait les moyens de se payer des loisirs et de partir en vacances pendant que d’autres ne voient pas plus loin que de survivre une journée de plus et que ses ancêtres travaillaient sans congés payés, qu’un peuple ait la capacité de se soigner pendant que d’autres meurent lors d’épidémies ravageuses et que ses ancêtres étaient décimés par des maladies que l’on soigne et guérit désormais et ainsi de suite, ce peuple trouvera toujours des motifs pour estimer qu’il est victime et exprimer ses frustrations contre un état que personne sur terre ne pourra changer.

Bien sûr, il nous faut évoquer ces autres sondages qui semblent dire le contraire de la thèse que je viens de défendre.

Ainsi, quand les instituts de sondage demandent si l’on est heureux, il y a le plus souvent une double réponse.

On se dit heureux de sa condition mais on se plaint de la marche du monde.

Cette sorte de schizophrénie n’est qu’apparente.

Une analyse plus poussée montre que l’on peut se dire heureux tout en étant insatisfait.

Ainsi, si en France, 69% des sondés jugent leur situation économique satisfaisante (sondage IPSOS réalisé en mars 2024), cela ne veut pas dire que l’on n’est pas satisfait de ne pas gagner plus.

D’autant que les «autres» auxquels on a tendance à se comparer, c’est-à-dire, en l’occurrence, gagnent plus que nous, ce que nous avons tendance à considérer comme injuste.

Dès lors, il n’est pas étonnant que le dernier sondage en la matière (Elabe réalisé en juin 2024) montrent que la principale préoccupation des Français est le pouvoir d’achat (il est cité en premier par 58% d’entre eux) alors même que celui-ci est en constante augmentation depuis 1945.

Quand nous visualisons notre existence, nous en sommes majoritairement globalement satisfaits (71% des Français s’affirment heureux selon le même sondage) mais quand nous nous comparons aux autres, nous trouvons des motifs de plainte qui se transforment en mécontentement et en colère.

Nous serions ainsi satisfait de notre monde «intérieur», notre sphère privée, mais insatisfait du monde «extérieur» sur lequel nous déverserions toutes nos peurs, nos angoisses et nos revendications.

Dans une poursuite effrénée du «bonheur», nous en voudrions toujours plus et nous serions, en plus, frustrés de voir d’autres en avoir plus que nous.

D’où notre insatisfaction chronique et notre «colère» exprimée face à un monde que nous ne maîtrisons pas et qui semble toujours plus clément aux «autres», que nous les considérions comme des bons ou des méchants.

Ce qui suscite une interrogation à laquelle nous devons nous confronter en essayant de trouver des solutions positives: le projet démocratique peut-il vivre, de développer et prospérer sur cet état d’esprit humain?

Car, plus la démocratie va irriguer la société, plus l’individu acquerra une plus grande autonomisation, plus son mal-être sera le fondement de ses revendications sociales, plus il sera frustré de ne pas obtenir tout ce qu’il veut, plus il sera alors mécontent et «en colère».

A moins que le projet démocratique parvienne à inverser une tendance très inquiétante.

Mais pour cela, il faut d’abord le vouloir.

Alexandre Vatimbella